LA LUMIERE ROUGE DU LABO

(Paris, 1989)

Plongé dans la lumière rouge du labo, j'assiste à ma première séance de tirage : sous l'agrandisseur, le masquage ne laisse apparaitre que la montre au poignet de l'homme... Après quelques secondes dans le bain révélateur, les aiguilles noires de la montre se dessinent sur le fond blanc du boitier, alors que sur le premier tirage, la montre était surexposée et les aiguilles invisibles. Le travail du tireur dans l'antre du laboratoire se rapproche d'un tour de magie ! Nous sommes en 1989, un ami m'a proposé de m'expliquer la photographie, afin de me faire comprendre la lumière, il m'expliquera les bases du tirage avant même celles de la prise de vue. Dès lors, j'installerai mon premier labo dans ma chambre avec un agrandisseur Durst M605. Puis je construirai un labo digne de ce nom dans le fond du garage de la maison familiale. Je fabrique une cuve de 3 mètres sur 60 cm et je fais venir d'Allemagne un Focomat 1c, un agrandisseur datant des années 60 que j'utilise encore aujourd'hui.

Dès mes tout premiers rouleaux noir et blanc, j'ai tenu à réaliser moi-même le développement. Je n'ai jamais fais développer un film par un autre labo en 30 ans. De la même façon, je tiens à réaliser mes planches contact et mes tirages moi-même. 

J'ai eu le bonheur de voir ma première parution sur 6 pages dans le magazine La Vie réalisée à partir de mes propres tirages en 1999. Par la suite, je n'ai confié mes négatifs qu'une seule fois : à Cristelle au labo de l'agence Sygma (rue Lauriston). C'est d'ailleurs resté une exception et j'ai hérité du dernier jeu de tirage de l'agence... 
A nouveau en 2002, c'est un tirage "maison" qui sera publié dans Paris-Match, puis un autre dans Libé... Je crois que mon dernier tirage à avoir été publié date de 2007 : un portrait de l'abbé Pierre dans Le Figaro magazine (cf. Presse). 

J'ai expérimenté différents formats de négatifs, plus pour le plaisir du tirage que de la prise de vue. Tirer un négatif 6x9 est en effet un plaisir immense ! Mais je suis resté fidèle au 24x36. Effectivement, le format carré du Rolleiflex ne m'a jamais vraiment convenu, et le chargement de la SpeedGraphic, que j'ai emporté jusqu'au Népal une année, reste laborieux ! 

     
Négatif 24x36 dans le passe-vue de l'agrandisseur (à gauche) Tirage dans le bain de lavage (à droite)


Si je m'essaye à différentes émulsions et sensibilités, de la Technical Pan (16 iso) à la T-MAX 3200 que je pousserai jusqu'à 25.000 iso, très rapidement je choisi la Kodak Tri-X pour sa souplesse et son grain inimitable. Je la développerai dans du Rodinal, du D-76 ou du HC-110. Et je l'utiliserai, selon les besoins, exposée à 100 ou 1600 iso. Sa souplesse me permait de ne partir en reportage qu'avec une seule référence de films. Il me suffisait d'inscrire au feutre les mentions -2 ou +2 sur la bobine pour le traitement dans mon labo quelques semaines plus tard.

Pour les tirages, après avoir essayé plusieurs marques de papier : de Guilleminot à Agfa en passant par Tetenal et Kentmere, c'est l'émulsion du baryté mat de chez Ilford qui me séduit. Depuis 1995 je n'utilise plus que ce papier avec le plaisir toujours égal de faire "monter" les noirs qui ressemblent à du crayon gras sur un papier Canson ! Au point que j'ai toujours tenu à présenter mes tirages encadrés sans verre pour éviter les reflets et pour pouvoir apprécier l'aspect mat du papier.

Si je me suis essayé au noir et blanc en numérique, je n'ai retrouvé le plaisir et le rendu de la Tri-X qu'avec le Leica M9 et son capteur Kodak CCD. Mais fort heureusement, j'ai conservé un Leica argentique et l'on trouve encore de la Tri-X même si son tarif a été multiplié par 10 en 30 ans ! 
 

Tirage sur papier Ilford baryté mat encadré sans verre

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