L'ABBE PIERRE, PHOTOGRAPHE



L'abbé Pierre dans sa chambre à Esteville, 1999


(Alfortville, 1999)
Henri Georges Grouès dit l’abbé Pierre a disparu il y a dix ans, le 22 janvier 2007.
Je l’ai rencontré pour la première fois en 1999 chez lui à Alfortville.
Je réalisais à l’époque un reportage sur les communautés Emmaüs à travers le Monde, l’agence Sygma qui diffuse mon sujet m’obtient un rendez-vous, j’ai droit à 30 mns.

L’abbé Pierre me reçoit dans sa chambre, monacale : un lit simple, une table de cuisine, un petit bureau, un téléphone.

A peine, suis-je entré dans la pièce, que l’abbé Pierre se précipite vers moi, enfin vers mon appareil photo, un Rolleiflex 6x6 : « J’avais le même ! » me lance-t-il.

Il tire alors un rideau, et me montre une étagère sur laquelle trônent quelques appareils photo : « Celui-ci c’est celui que j’avais avec moi en Amérique du Sud », me dit-il, « Celui-là, je l’utilise monté sur un trépied pour photographier la voute étoilée quand je vais dans le désert. J’adore photographier les étoiles. Je le mets en pose lente et alors on devine le mouvement de la terre sur les clichés. »

« Il m’en manque quelques-uns, je m’en suis fait voler un, alors que je faisais une sieste aux pieds du Corcovado ! Comme quoi tout arrive, même aux pieds du Christ ! »

Pendant 20 minutes, l’abbé Pierre m’entretient sur sa passion de la photographie. « J’aurais aimé être reporter » me lance-t-il. Il écrira 3 ans plus tard « Je voulais être marin, missionnaire ou brigand ». Sa passion de la photographie, il la gardera discrète, mais il a toujours voyagé un appareil photo à portée de main.

A ce propos, mon Rolleiflex est dans les mains de l’abbé Pierre depuis maintenant une demi-heure. Laurent, son secrétaire particulier, frappe à la porte et m’annonce que l’entretien est terminé.

Un peu gêné (je n’ai à l’époque que 25 ans !) je demande à l’abbé Pierre si je peux récupérer mon appareil photo :

- « Si je rentre sans avoir fait aucune photo, je vais me faire virer ! »
- « Vas-y mon p’tit gars, fais ton boulot, tu veux que je pose où ? »

Il a pris la pose, j’ai pris mes photos.


Aux côtés de l'abbé Pierre à Esteville, 1999


La dernière fois que j’ai vu l’abbé Pierre, c’est dans cette même chambre, la veille de Noël 2006, j’avais été autorisé à photographier la messe de noël privée qu’il donnait, nous devions être 6 ou 7 dans la pièce pas plus. Laurent me dit : « C’est la première fois qu’il autorise qu’on photographie sa messe privée».
Henri Georges Grouès décèdera 3 semaines plus tard, à l’âge de 94 ans.

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